Mademoiselle Lune.

Iro sortit rapidement et silencieusement de sa chambre. Habillé d'une simple chemise de coton blanc, un pantalon de lin bleu, ce qui trahissait probablement le plus ses origines Haradaciennes devait être le foulard turquoise bordé de dorures, qui était attaché à son torse, empaquetant une de ses épaules, le tout lui donnant définitivement un air bien trop oriental pour le palais de Galbatorix. Cependant, ce soir était le seul soir où il s'accordait cette petite folie. En effet, ce soir, à l'heure où la plupart des courtisants étaient déjà repartis vers leurs logements, Iro s'en allait admirer la pleine lune. Il avait pris cette habitude à l'époque où il se trouvait encore au palais de son père. Cette lune était la seule chose qui soit commune avec le lieu où s'était déroulé son enfance, et il se faisait un devoir de ne pas la manquer.

Il contourna le couloir principal, car souvent remplis d'un convive s'étant trop attardé ou bien trop saoul pour ne serait-ce que se lever et filer. Ce château était sa « maison » depuis plus de quatre ans, et il le connaissait par coeur. Il n'avait quitté la capitale que de très rare fois, Galbatorix le jugeant comme un otage trop précieux pour être gaspillé sur un quelconque champs de bataille. Qu'il avait tord! Son roi de père s'était permis de l'envoyer car il n'était que le septième prince de sa lignée, il n'y avait aucune chance qu'il soit le prochain souverain et n'avait donc pas vraiment d'importance. Enfin, celà allait bientôt changer, il n'était plus « totalement » un enfant et L'empereur ne pourrait plus le garder longtemps prisonnier sans raison. Nouveau couloir, encore à droite, il traversa une salle rapidement, car trop grande pour pouvoir y passer inaperçu. Il arriva dans la bibliothèque. Le nombre d'ouvrage présent l'avait toujours impressionné, il s'était toujours délecté de ce spectacle, lui qui n'avait pu que se réfugier dans la lecture, étant trop faible quand il était enfant. Il monta agilement sur une des armoires en bois massif. Arrivé au sommet, il écarta une petite fenètre et s'y glissa; il était enfin arrivé à destination. Devant lui s'étendait une des ailes principales du château, et plus particulièrement le balcon sur lequel il se trouvait. Il n'était pas censé avoir accès à cet endroit, mais la chambre au balcon n'avait jusque là jamais servi, il pouvait donc s'y rendre sans danger.

Son regard se porta sur l'objectif premier de cette petite cavalcade au travers du château, la lune se trouvait face à lui. Il s'approcha plus près de la rembarde, et y posa une main. Un regard d'enfant émerveillé apparu sur son visage, suivi d'un léger sourire: son plaisir nocturne était accompli.

« Vous êtes encore une fois magnifique, mademoiselle Lune »

Il prononçait systématique cette phrase de sa voix d'adolescent pas encore très bien muée. C'était une sorte de tradition signifiant qu'il avait bien accompli ce qu'il voulait faire cette nuit là.Un voile passa devant ses yeux, un douce torpeur s'empara de lui, et il s'endormit.

Il se réveilla au lever du jour, les faibles rayons du soleil l'aveuglant. Il jeta un œil à l'horizon et se dit que le soleil levant n'était pas en reste par rapport à la lune. Il admira cette vue encore quelques instants, puis se retourna, il était temps de repartir. Il fit un pas supplémentaire vers la petite fenêtre qui lui servait d'échappatoire, quand soudain, il se stoppa net. Il se dressa de toute sa petite hauteur, et appela d'un ton qui se voulait impérieux.

« Comptez-vous restez caché derrière ces battant longtemps? »

Il avait prononcé ces mots en direction des portes fenêtres qui donnaient sur la chambre. N'étant pas à sa place, il aurait mieux fait de se taire et filer en vitesse, puisque son interlocuteur encore caché ne semblait pas vouloir le dénoncer, sinon il l'aurait pris sur le fait. Cependant, il avait été observé pendant son petit rituel, et l'idée d'avoir servi de spectacle à quelqu'un le rendait furieux. Fureur qu'il contenait néanmoins.

Aélyhne avançait dans les couloirs par des enjambées souples et silencieuses, et malgré sa grande taille et sa magnifique fourrure blanche, personne ne faisait attention à elle. Les serviteurs se précipitaient vers telle ou telle chambre, porteurs d'une missive ou d'un quelconque plateau surchargé, et ils n'avaient pas le temps de baisser les yeux sur un chien. Quant aux gens de haute naissance, ils étaient trop occupés à ne pas s'emmêler les pieds dans leur cape qui traînait par terre ou dans le fourreau de leur propre épée. Par ailleurs, les habitants du château avaient l'air habitués à voir des chiens dans les couloirs.
Aélyhne avait troqué son apparence de renarde ( sa préférée ) par celle d'une chatte siamoise aux extrémités lilas, afin de se faufiler plus discrètement. Elle eut tôt fait de changer d'avis lorsqu'elle fut prise en chasse par un chien de garde. Lequel l'avait coincée dans une salle vide, mais avait fait demi-tour ventre à terre lorsqu'il se retrouva face à face avec une panthère noire. Le siamois ne sortit jamais de la pièce en revanche, et ce fut une grande chienne aux poils blancs qui franchit la porte finement ciselée.
La Dragofeath était profondément curieuse ( après tout, on disait que les Alirons étaient un mélange de chat, de loup et de dragon), et lorsqu'elle avait vu la silhouette majestueuse du palais, elle n'avait pas pu résister à l'idée d'aller jeter un coup d'oeil. Elle était trop jeune lorsque son père l'avait fait quitter Aïtas Iras, et elle ne se souvenait pas d'Asethis. Elle se demandait donc quel genre d'individu pouvait à ce point imposer sa loi et la terreur.
Elle n'ignorait pas le danger, d'autant qu'elle ne bénéficiait pas des avantages des vrais Alirons en matière de résistances aux blessures, mais elle espérait que son déguisement serait suffisant. Certes, sa fourrure apparaissait d'un bleu pâle presque argenté si on la regardait sous un certain angle et avec attention, cela dit il n'y avait aucune raison pour que ce soit le cas.

- Vous êtes encore une fois magnifique, mademoiselle lune.

La chienne se figea sur place et revint sur ses pas. Elle poussa légèrement la porte qui lui faisait face, mais ne put observer qui avait dit ces mots. et elle n'osait pas s'aventurer plus loin. Elle faillit grogner de frustration. La lune tenait une place prépondérante dans le coeur des Alirons, lesquels ne savaient même pas pourquoi. Il fallait à tout prix qu'elle sache qui pouvait bien s'adresser à la lune avec tant de respect !

- Et toi ! Qu'est-ce que tu fiches ici ?

Aélyhne faillit sursauter et retira son museau de l'interstice. Une servante approchait d'elle en brandissant ce qui ressemblait à une énorme cuillère en bois. Mais ça aurait pu tout aussi bien être une massue, de la manière dont elle la maniait. Elle fila sans demander son reste, se promettant de revenir dès les premiers rayons du soleil.

Elle revint donc le lendemain, et reprit sa surveillance. Elle se refusait à envisager le simple mot d'espionnage !

- Comptez-vous rester caché derrière ces battants longtemps ?

Cette fois, elle sursauta vraiment. Elle avait vraiment cru être discrète ! Deux solutions s'offraient à elle : soit elle s'enfuyait au risque de ne jamais pouvoir découvrir l'identité de la personne qui l'intéressait, soit elle faisait face. De toute façon, qu'avait elle à y perdre ? L'autre ne verrait qu'un chien à peu trop curieux pour son bien.
Elle poussa alors le battement et s'avança de quelques pas. Puis elle inclina légèrement la tête sur le côté, et s'efforçant de rendre ses yeux dorés larmoyants, comme elle avait déjà pu voir des chiots le faire. Alors seulement elle commença à détailler le jeune homme.

Le jeune homme paraissait surpris de la voir, de toute évidence, un chien n'était pas du tout ce à quoi il s'était attendu. Elle se demanda alors si elle n'avait pas fait une erreur...
C'est la curiosité qui a tué le chat
L'autre s'agenouilla alors devant elle, et elle réprima un mouvement de recul. Il leva alors la main, et un instant, rien qu'un instant, elle crut qu'il allait la battre. Aélyhne faillit découvrir les crocs mais se retint au dernier moment, décidant de lui accorder le bénéfice du doute. Elle eut raison, puisque qu'il se contenta de lui caresser le haut de la tête. Qu'elle sensation étrange... Elle n'était pas un chien, après tout !

Dis donc toi, de me fais pas de peur pareilles.


Il ne parut pas se rendre compte du ton qu'il avait pris. Etant à moitié une Dragofeath, elle put vaguement sentir qu'il connaissait bien la peur. Que lui avait-on fait ? Que s'était-il passé ? Sans pouvoir se retenir, elle recula de quelques pas. Se souvenant juste à temps qu'elle était censée se conduire en chien, elle garda son masque impénétrable.
Elle comprit cependant qu'elle avait fait une erreur en reculant. L'autre l'observait à présent d'un air suspicieux. Décidemment, elle n'aimait pas ça...
Il fit alors quelque chose d'étrange. Il lui donna exactement l'information qu'elle voulait : quel rapport il avait avec la lune. Elle fut un peu déçue en constatant qu'il n'était pas un Dragofeath, mais en même temps, ça la rassurait. Néanmoins, elle savait qu'il n'avait pas fini.

- Tu n'es pas un chien ordinaire toi, n'est-ce pas?

Aélyhne dansa d'une patte sur l'autre, mal à l'aise, sans se soucier que ce n'était pas le comportement d'un chien. D'un côté, elle avait envie de lui donner raison, de l'autre... elle se demandait s'il n'allait pas se précipiter vers les gardes ou elle ne savait quoi pour tout raconter. Bah, de toute façon, s'il prévenait quelqu'un, elle serait déjà loin lorsqu'ils arriveraient, alors...
Aélyhne s'immobilisa sur ses pattes, droite et fière, ses yeux d'or brillant plus que jamais. La couleur de sa fourrure sembla fondre comme neige au soleil, laissant apparaître une couleur bleu pâle proche de l'argent. Par ailleurs, elle laissa tomber son apparence de chien, pour adopter celle d'un loup.
Elle vit les yeux du jeune homme s'agrandir sous la surprise, et elle fut contente de son petit effet.
Ses oreilles se dressèrent soudain sur sa tête comme elle entendait des pas dans le couloir. Sous le coup d'une impulsion, elle prit la manche du garçon dans ses crocs, manquant le faire tomber. Elle le tira légèrement pour ne pas l'effrayer (elle avait pris conscience que se retrouver seul devant un grand loup bleu pouvait être déconcertant...), puis gronda tout bas, essayant de lui faire comprendre qu'ils devaient partir sur le champ.

Il avait compris que ce n'était pas un chien ordinaire, mais il ne s'attendait pas vraiment à ça. Le chien avait cessé d'agir comme un simple toutou perdu et s'était immobilisé droit sur ses pattes, puis ce n'était déjà plus un chien qui le fixait dans les yeux. Lorsque le loup apparut devant ses yeux, il pensa à plusieurs choses: qu'est ce que c'est que cette créature? Pourquoi est elle ici? Que me veut-elle ? Il craignait un peu pour sa vie, n'ayant en plus pas son arme à portée de main, mais on porte difficilement une claymore à travers un château pendant la nuit. Au pire il lui restait sa dague. Finalement, il n'eut pas vraiment à s'effrayer plus longtemps, la créature finit par lui mordre doucement la manche pour lui faire comprendre qu'ils devaient partir. En effet, la situation lui avait fait oublié tout ce qui se passait à l'extérieur et il n'avait pas entendu les bruits des lourdes bottes de soldats. Il suivit donc le loup, ne sachant pas trop où cet être l'emmenait, mais il espérait que là, il ne courrait aucun risque. Après plusieurs minutes de courses acharnées, il finit par rejoindre un couloir qu'il connaissait mais où le loup semblait perdu. Sur un ton qui se voulait injonctif, il lui parla.

« Par ici, ma chambre est par là!

Effectivement, sa chambre n'était pas loin et il ne mettrait pas longtemps pour y être en sécurité. Il était encore un peu méfiant envers l'animal même s'il sentait qu'il ne risquait pas grand chose, mais la présence de son épée l'aurait rassuré et c'est pour ça qu'il voulait retourner en terrain connu. Après avoir retrouvé le bon couloir, il sortit rapidement la clé de sa poche, ouvrit la porte, les fit entrer et referma aussitôt, mais toujours silencieusement. Il s'affala sur son lit. Finalement, il n'avait pas énormément dormi et il pensait qu'une longue grasse matinée lui ferait le plus grand bien... mais pas tout de suite. Il se releva, assis sur son lit, le loup bleu devant lui.

Il avait déjà entendu des rumeurs sur des créature polymorphes, mais il n'avait pas pensé en rencontrer une un jour. Dans le désert, on parlait parfois de loups monstrueux qui devenait grand comme des hommes avant de les dévorer... enfin, on disait surtout ça aux enfants pour éviter qu'ils sortent trop tard le soir, mais la légende n'était pas née pour ça...

Il voulait parler à cet animal, mais c'était assez difficile que d'engager une conversation avec une créature dont on est même pas sûre qu'elle peut parler... Pourtant, on a toujours tendance à parler tout seul aux bêtes, alors finalement, une de plus une de moins...

« Tu es vraiment un loup étrange... tu sais parler en fait? Je n'aime pas vraiment parler tout seul »

C'était plutôt difficile et à la fois gênant de faire une requête comme celle-ci, d'autant plus qu'il n'était même pas sûr de pouvoir obtenir une réponse, mais enfin, le chien de tout à l'heure avait bien fait preuve d'une capacité de compréhension, alors pourquoi pas le loup de cet instant?

Aélyhne suivit le jeune homme plus ou moins docilement dans les couloirs, ses oreilles s'agitant dans tous les sens. Elle savait qu'il y avait des chiens dans le château, et elle ne tenait pas à ce que l'un d'eux sente l'odeur d'un loup...
Finallement, il la fit rentrer dans ce qu'il appela sa chambre, une pièce assez spacieuse mais trop sobre à son goût. Il se laissa tomber sur son lit, sous le regard interrogateur de la louve. Puis il se redressa un instant plus tard, la regardant bien en face.

Tu es vraiment un loup étrange... tu sais parler en fait? Je n'aime pas vraiment parler tout seul

Aélyhne hésita. Cette fois, il ne s'agissait plus de prendre une couleur bleue, mais de dévoiler son identité. Si jamais cela venait aux oreilles d'un autre Dragofeath...
Aélyhne faillit grimacer, mais se rappela juste à temps qu'elle était un loup, et qu'un rictus sous cette forme risquait d'être passablement effrayant... Bah, il lui avait juste demandé si elle pouvait parler, ce n'est pas comme si elle allait prendre forme humaine sous ses yeux !
Aélyhne s'assit, toujours sous sa forme de loup, et tendit les oreilles pour vérifier que personne n'arrivait. Enfin rassurée, elle reporta toute son attention au garçon.

- Tous les animaux parlent. Seulement les Hommes savent rarement écouter... Comme tu dois t'en douter, je ne suis pas une chienne. Ni même une louve d'ailleurs... J'ignore si tu vas me croire, mais je ne suis pas venue ici pour te faire du mal. Je suis juste... un peu curieuse. Je m'appelle Aélyhne.

Le garçon semblait subjugué, plus par sa voix, un chant doux et mélancolique, que par le fait qu'un loup était en train de lui parler...
Elle hésita quelques instants, puis tenta le tout pour le tout. De toute façon le garçon ne saurait probablement pas de quoi elle parlait.

- Je suis une Dragofeath.

Aélyhne avait été légèrement embarassée lorsque Iro lui avait fait remarquer que rien dans ce château n'était digne de sa curiosité. Cependant, lorsqu'il lui avoua qu'il ne savait pas ce qu'était une Dragofeath, elle avait été incroyablement soulagée. Ainsi, il y avait peu de chances qu'il aille prévenir un autre Dragofeath de sa venue ici.
Aélyhne s'assit calmement, ses oreilles tournées vers l'arrière pour percevoir les bruits de pas dans le couloir. Manquerait plus que quelqu'un entre à cet instant !

- A dire vrai, je ne savais pas que tu venais du Hadarac, pour la simple raison que je ne connais pas grand chose de l'Alagaësia... Je ne suis pas tout à fait d'ici, en fait. D'où ma curiosité. Il semblerait que je sois... coincée en Alagaësia, en quelque sorte, car mon pays n'existe plus, tout comme ma famille... Je voulais en apprendre plus sur les habitants de ce pays, et il m'a semblé que Uru'baen serait un bon point de départ. Si tu veux tout savoir, je ne connais pas grand chose non plus des humains...

Aélyhne hésita, et son attention se reporta complètement sur Iro cette fois.

Ce qui nous amène à ta deuxième remarque... Ca ne m'étonne pas que tu n'aies jamais entendu parler de nous, mais si ça peut t'aider, sache que je ne suis qu'à moitié une Dragofeath. Ma mère était une Elfe. Néanmoins, je ne peux pas t'en dire plus sans me compromettre... Je doute que les autres Dragofeaths apprécient beaucoup mes initiatives d'en apprendre plus et de dévoiler mon identité. Les humains... ne sont pas censés nous connaître.

Aélyhne attendit, observant Iro digérer toutes ces informations, non sans une certaine inquiétude. Elle vit alors ses yeux s'écarquiller légèrement sous la surprise. C'est seulement à cet instant qu'Aélyhne comprit son erreur.

S'il y avait une chose qu'Artiésis détestait, c'était bien être coincée dans une ville. Galbatoryx l'avait demandée la veille, pour lui dire qu'elle devrait rencontrer un certain Marta ou Carta... Elle ne se souvenait même plus du nom... Par ailleurs, il lui avait ordonné de n'assassiner personne le temps qu'elle serait dans la capitale, pour ne pas se faire remarquer. Mais qu'est-ce qu'elle allait faire pendant ce temps ! Même les empoisonnements n'étaient pas permis...
Et le pire dans tout ça, c'est qu'elle était obligée de se comporter en gamine idiote et superficielle. Oh, c'est vrai qu'elle le faisait tout le temps, mais au moins elle savait qu'elle aurait la satisfaction de pouvoir tuer quelqu'un. Tout le temps de l'entretien, Artiésis s'était amusée avec le fameux collier de perles, comme si l'envie d'étrangler l'empereur démengeait ses doigts... Elle espérait ardemment qu'on lui confierait une prochaine mission qui ne nécessiterait pas de robe... Elle était même prête à le faire sans être payée...
C'est donc enveloppée dans une longue robe pourpre agrémentée d'un décolleté absolument effrayant, qu'elle sorti de sa chambre pour s'aventurer dans les couloirs. Tout plutôt que rester enfermée !
Ses sens, affutés comme ceux d'un félin à cause de ses longues années d'expérience, lui indiquèrent que quelque chose se passait. Quelque chose d'amusant avec un peu de chances...
Se faufilant comme une ombre, elle vit alors un étrange couple : un garçon d'une quinzaine d'années ( sans doute Iro, l'otage du Hadararac), accompagné d'un loup.

- Intéressant...

Elle les suivit silencieusement, mais n'approcha pas tout de suite, s'efforçant malgré tout d'entendre leurs paroles. Au bout d'un moment, la voix féminine qui avait surtout parlé jusqu'à maintenant se tut. Mais ce qu'Artiésis avait surpris était très intéressant...
Un sourire affamé étira ses lèvres, et elle ouvrit la porte à la volée. Devant elle se trouvait le gamin ( Iro) et... une louve bleue ? Le loup avait l'air stupéfait et affrayé, mais la tête d'Iro valait le détour...

- Tiens, tiens, tiens... Une Dragofeath au sein de la cité mère ? Je suis sûre que cela intéressera notre cher empereur...

Cette conversation prenait quand même un tour étrange. Au départ il avait l'impression d'être celui qui était le plus perdu et voilà que finalement, c'était lui qui tenait les atouts dans ses mains. Son interlocutrice n'était donc pas du pays. Bien que lui-même n'ait pas grand chose à redire sur ce genre de fait, il est quand même assez étrange de ne pas faire partie de l' « empire » qui regroupe un nombre assez impressionnant de territoire. Cependant, combien même on peut ne pas en faire partie, alors on évite de s'y rendre, enfin, selon la logique d'Iro bien sûr. Un autre point qui l'intéressa, et l'attrista également fut l'allusion au pays détruit de la jeune femme, dont il avait espéré pouvoir trouver le lieu en se rappelant les territoires récemment dévastés, il avait fait chou blanc. Combien même il se serait souvenu de tous les pays ayant subit un revers de fortune ces derniers temps, il ne se souvenait pas d'une quelconque région où l'on appelait les habitants « dragofeath », mais bon. D'un côté, chercher un pays en Alagaësia qui n'appartienne pas à l'Alagaësia, c'est un peu comme chercher un fil rouge dans une bobine de fil blanc, c-à-d, impossible...

Ce qu'il préféra oublier, c'est qu'apparemment la dragofeath n'était pas la seule du pays et qu'il n'aurait pas aimé la savoir ici: visiblement, ce peuple était assez secret et Aélhyne venait de commettre une bourde. Néanmoins, il se demandait pourquoi cette race devait rester si secrète, surtout au vu des humains. Certes, la race humaine était assez détestable sur la plupart des sujets, en revanche, il en restait quelques un sur lesquels ils étaient fréquentables, et Iro se demandait de quel droit on les laissait dans l'ignorance, ce qui se transcrivit sur son visage comme une légère moue indignée.

Toujours est-il que désormais, il aurait bien pu au moins offrir un vague cour de géographie à son hôte, ce qui à la base était son attention, mais il se rappela rapidement que lui-même n'y connaissait pas grand-chose si-ce n'est le strict minimum avec, probablement, de grosses erreurs. En revanche il se souvenait d'un livre dans la bibliothèque qui traitait la chose de manière fort pédagogique et qui constituerait certainement une très bonne première approche pour Aélhyne... encore fallait-il retrouver l'ouvrage et de toute façon le moment (à l'aube quand même...) n'était sans doute pas des plus propices.


« Je pense pouvoir vous aider un peu pour trouver des renseignements de bases. Le château est à mourir d'ennui, mais sa bibliothèque est assez vaste et je la connais fort bien. »

« BOUM », le bruit de la porte qui claqua contre le mur lui arracha une grimace et le fit sursauter. Ce qui se trouvait derrière la porte en revanche le mit dans d'autres dispositions, surtout après que « ça » ait ouvert la bouche. Rien que le timbre de cette voix lui donnait l'impression qu'on lui enfonçait une dague dans l'estomac et l'intonation ne changeait rien. Celle qui se trouvait devant lui lui donnait l'impression d'adorer voir les gens baigner dans le sang, ou en tout cas, à première vue c'est l'image qu'il s'en fit. La situation était complètement en sa défaveur, seul face à une créature qui ne devrait pas être connue (mais qui l'était de Galbatorix, étrangement), il avait à peu près tout du conspirateur en herbe, la barbe de trois jours en moins. En revanche, il ne pouvait pas laisser passer une telle conduite envers lui-même, il était encore prince, certes otage de l'empire, mais prince quand même et la situation exigeait qu'il fasse quelque chose, et combien même ne le ferait pas la situation, son sang bouillait d'indignation. Il se releva, le regard haineux et fixa la femme dans l'encadrement de la porte. Son ton était rauque, autoritaire. Il était furieux et ne tolèrerait aucune contestation, la dague de sa botte dans la main aidait fortement à comprendre cela.

« Puis-je savoir de quel droit vous vous permettez d'entrer dans ma chambre de cette façon. Je ne pense pas vous y avoir invité. »

Pour la suite, il préférait jouer sur les nerfs de la « demoiselle », il s'en approcha rapidement. La regarda d'un regard narquois, parla sur un ton du même goût.

« A moins que vous n'aillez confondu ma chambre avec celle de Carta. Il est impossible, il était déjà parti avec une catin hier, voilà qu'il en fait venir une maintenant. »

Il eut un sourire mauvais, de toute façon, il ne la laisserait pas partir tout de suite, et si elle le menaçait, il lui trancherait la gorge.

[HRP: J'ai pris le temps, dsl ^^"]

Lorsqu'elle comprit à qui elle avait affaire, la première intention d'Aélyhne fut de s'enfuir. Elle ne se souvenait que trop de cette fille à l'apparence idiote et fragile... Elle avait faillit ne pas y réchapper.
Toujours est-il qu'elle n'était pas seule cette fois. De toutes façons, même s'il n'y avait eu Iro elle aurait eut du mal à s'en sortir, coincée dans une pièce close. Aélyhne remarqua qu'Artiésis n'avait pas sa hache avec elle, mais elle se dit qu'elle devait bien avoir une demi-douzaine de dagues, sans doute empoisonnées. Elle se demandait en revanche pourquoi elle triturait ce collier de perles de la sorte.

Puis-je savoir de quel droit vous vous permettez d'entrer dans ma chambre de cette façon. Je ne pense pas vous y avoir invité. A moins que vous n'aillez confondu ma chambre avec celle de Carta. Il est impossible, il était déjà parti avec une catin hier, voilà qu'il en fait venir une maintenant.

Aélyhne aurait voulu l'assommer.

- Qu'est-ce qui te prend, Iro !? Ne vois-tu pas qu'elle est dangereuse. Je la connais, et oui, je parle par télépathie, confirma-t-elle en sentant la perplexité de l'humain. Essaie de ne pas trop te moquer d'elle... Il faut qu'on s'en aille et vite !

Artiésis continuait de tourner le collier entre ses doigts. Enfin... Elle n'avait sans doute pas le droit de tuer le gamin, mais la Dragofeath... Elle n'était même pas obligée de dire à Galbatoryx qu'elle était là... Elle pourrait lui servir comme moyen de pression, après tout.
Lorsque Iro se mit à l'insulter, elle faillit éclater de rire.


- Tu te crois drôle, sans doute, gamin ? J'aime rire, moi aussi, comme tu devrais t'en rendre compte bientôt.

Mettant l'une de ses mains dans la manche de l'autre bras, elle en tira un poignard aiguisé. Elle déplia rapidement le bras et Iro se découvrit une affection soudaine pour le mur d'en face. Il y était littéralement attaché...

- Cela faisait longtemps, hein, Aélyhne ? J'avais pensé que tu étais morte depuis le temps. Au fait, tu n'as pas essayé la teinture ? Pour passer inaperçu, je veux dire... La couleur bleue... c'est assez inhabituel tu ne crois pas ? Puisque ton petit-ami est accroché pour un moment, ça te dit de venir avec moi ? On pourrait... discuter.

Elle sourit, ce qui lui donna soudain l'air encore moins sympathique.