Un cas fortuit qui pourrait apporter des réponses. [Privé]

Les pas de Seith, mais aussi les ailes de Stampe, avaient mené le jeune homme dans les environs de Teirm. Assez loin pour que le dragon passe inaperçu, en fait. Même de loin, la ville paraissait animée, bien plus vivante que ce que le Dragonnier avait pris l'habitude de voir ces derniers temps. Qui sait, peut-être y trouverait-il des réponses. Le seul problème, serait que Stampe ne pourrait pas le suivre en ville. Il serait donc seul si ça tournait mal, là-bas, même s'il savait se défendre, ce ne serait pas pareil sans l'appui d'un dragon.

Fais attention et ne te fourre pas dans des ennuis plus grands que toi.
Ne t'inquiète pas autant, j'arriverais à me débrouiller seul. Je ne serais pas absent très longtemps. Profites-en pour chasser un peu.

Le Dragon souffla d'un air un peu moqueur. Seith le gratta machinalement entre les naseaux avant de récupérer quelques affaires et un peu d'argent. Il lui fallait se procurer de nouvelles provisions. Il dissimula la bourse bien peu pesante dans une poche intérieure, accrocha sa dague à la ceinture et un sac à une épaule, puis il prit son bâton d'une main. Il sourit à Stampe et se mit en marche.

Il lui fallut à peu près une demi-heure pour rejoindre la ville. Comme il l'avait remarqué auparavant et de loin, elle était animée et bruyante. Il commença d'abord par faire les quelques achats qu'il lui fallait. Il trouva les prix un peu élevé mais comme il n'avait jamais vraiment vécu en ville, il n'avait rien à l'esprit pour comparer. Une fois que ce fut fait, il commença à demander à quelques personnes s'ils n'avaient jamais entendu parler de son père, un homme nommé Weis. On lui répondit par la négative, comme à chaque fois. C'était assez frustrant. Déjà qu'il n'avait qu'un nom... Au bout d'un moment, il cessa de poser ses questions, dépité. Il se contenta de flâner nonchalamment, ici et là, en réfléchissant.
A un moment, il eut l'impression que quelqu'un l'avait prit par l'épaule, mais lorsqu'il se retourna, il ne vit que des gens qui vaquaient tranquillement à leurs affaires. Il soupira et fourra ses mains dans ses poches, la mine renfrognée. Sa main droite touche un bout de papier qui, il en était sûr n'était pas là auparavant. Il le sortit, intrigué et le déplia.

"Rendez-vous à l'auberge Le Liégeois, quelqu'un aura peut-être des informations utiles pour vous."

Comment diantre ce papier était-il arrivé là ? Lui était-il vraiment adressé, surtout ? Le Liégeois, il était passé devant l'auberge un peu plus tôt. Pourquoi ne pas s'y arrêter en passant ? Il n'avait rien à perdre, si ce n'est un peu de temps. Il rebroussa donc chemin à la recherche du lieu de rendez-vous. Malheureusement, il n'était pas vraiment fait pour la vie citadine, car il se rendit compte bien vite qu'il n'avait pas mémorisé correctement l'itinéraire. Il décida de demander son chemin à un gamin qui passait par là, moyennant une pièce pour aller s'acheter des friandises. Inutile de préciser que l'enfant, enchanté s'empressa de s'exécuter. Il y fut en deux temps trois mouvements. Comme promis, il offrit sa récompense au garçon qui disparut en courant joyeusement , son trésor à la main.
Seith ne s'était trompé que de peu. Quelques rues tout au plus.

Il poussa donc la première porte et se trouva dans une cour. Il suivit le petit chemin qui menait jusqu'à l'entrée du bâtiment. Il s'arrêta deux secondes, le temps de peser le pour et le contre avant d'ouvrir la porte. La salle était chaleureuse et accueillante. Il entra et ferma derrière lui. Puis il parcourut la salle du regard. Où était donc la mystérieuse personne qui l'avait invité à le rejoindre ?

La salle commune de l'auberge était bondée, comme tous les jours de la semaine à la même heure. Tandis qu'un violoniste jouait un air folklorique en tapant frénétiquement du pied, quelques clients dansaient en rond près de lui. Les autres villageois se contentaient de regarder le fond de leur pinte d'un air maussade. Comme à son habitude, un homme bedonnant était effondré, la tête sur le comptoir. Étant donné qu'il ne consommait plus rien et prenait de la place, Feu-de-Neige aurait dû le mettre dehors, mais premièrement il était bien trop lourd, et il risquait également d'être la cible des tire-laines qui rôdaient parfois près du Liégeois.

Au fond de l'auberge, une tablée de quatre personnes jouait à un jeu de cartes typique de la région, qui consistait à combiner ses cartes avec celles des autres joueurs pour former une suite de plus en plus longue. L'un des joueurs semblait mener la partie, car il ne se détachait pas d'un sourire triomphal, alors que ses trois comparses protestaient vivement à chaque nouvelle carte posée. Finalement, l'un d'eux tira un couteau de sa ceinture et le planta violemment dans la table en poussant un hurlement barbare. Tous les clients présents se tournèrent vers lui, attendant qu'éclate une bagarre. L'aubergiste approcha sa main d'un gourdin sous son comptoir. Le joueur mécontent se contenta d'éclater d'un rire gras, et ses compagnons l'imitèrent.

Cependant, ce qui attira le plus l'attention du jeune homme fut une silhouette debout dans un coin de la salle, près d'une table de jeunes paysannes. Il s'agissait d'un homme aux cheveux blancs vêtu d'une robe noire ornée de runes dorées. Il faisait danser dans les airs de petits globes lumineux aux couleurs changeantes, augmentait et diminuait leur taille, les assemblait et les séparait, sous les yeux ébahis des jeunes filles. Seith observa un instant son illusion, jusqu'à ce que les globes éclatent en une lente pluie d'éclats colorés. Fier de son numéro, le magicien fit une révérence, accepta la pièce d'argent que lui tendit une admiratrice, et fit demi-tour.

En voyant le jeune homme qui venait d'entrer, le sourire ravi de l'ensorceleur se changea en une grimace malfaisante de satisfaction. Il s'approcha à grands pas du nouveau venu.

"Mon garçon! Je vois dans tes yeux que tu as besoin de mon aide. Viens donc t'asseoir avec moi." lui dit-il en faisant un geste vers le bar.

Le sorcier récupéra son bâton posé contre un mur non loin des joueurs de cartes, et de son extrémité, poussa le pesant consommateur d'alcool écroulé sur le comptoir. Celui-ci s'étala doucement par terre, et commença à ronfler bruyamment. Feu-de-Neige, l'aubergiste, lança un regard noir à l'arcaniste, qui rit franchement en tapant l'épaule de l'humaine.

"Un verre de rafkra glacé pour mon ami, s'il te plaît! Et une attaque fruitée pour moi." demanda de sa voix la plus douce le blanchâtre mage en s'asseyant.

"Bel objet, n'est-ce pas?" demanda-t-il en remarquant le regard de Seith sur son bâton.

C'était une longue perche aussi grande que son propriétaire, surmontée de griffes d'argent serrées autour d'un globe de cristal duquel émanait une lueur pâle.

"J'aime bien me promener avec de tels artifices, de quoi attiser l'envie de mes semblables, décourager les voleurs les plus faibles, et tenter les plus stupides. Mais ce n'est certainement pas pour entendre cela que tu es venu te perdre dans cette ville immonde... Seith?"

En prononçant son nom, le prestidigitateur eut un sourire parfaitement monstrueux, puis détourna la tête pour remercier la tenancière qui venait de lui apporter sa boisson.

"Ne sois pas surpris, j'ai de très bonnes oreilles. Et tu as la langue pendue, mon jeune ami... Je sais ce que tu cherches."

Le magicien prit une petite gorgée de son breuvage et poussa un soupir apaisé. L'attaque fruitée, même si elle restait moins efficace que la potion de sa composition, avait le don de soulager sa gorge, toujours aussi irritée.

"Seulement voilà, je ne connais pas la réponse à ta question. Je connais bien une Margaret Weis, mais aucun homme de ce prénom. Par contre je sais comment obtenir cette information. Viens avec moi, faisons quelques pas dans la fraîcheur du soir."

Le magicien termina sa boisson d'une traite, se leva, et marcha jusqu'à la sortie en s'appuyant sur son bâton. Dehors, la nuit était tombée depuis quelques dizaines de minutes. Des ombres se déplaçaient silencieusement, et Seith sentit que des yeux l'observaient. Le comte ne parut pas s'en préoccuper, et continua à marcher le long de l'auberge.

"Il existe un endroit, très loin d'ici, seulement connu des mages et des prêtres, des conteurs et des poètes. C'est un sanctuaire dans lequel personne n'a mis les pieds depuis des centaines d'années. Nul ne sait qui a crée ce repaire secret, mais on dit qu'il regorge de trésors dépassant ton imagination. Cependant, seul l'un d'eux nous intéresse. Il s'agit d'une lampe qui a le pouvoir de réaliser trois souhaits, n'importe lesquels. Avec cet objet, tu pourrais connaître tout ce que tu veux savoir sur ton père... Qu'en dis-tu?"

Le sorcier tendit une main squelettique au jeune homme.

Seith finit par fixer son attention sur une sorte de magicien, qui se plaisait à faire valser dans les airs des boules multicolores, jouait avec, devant le regard captivé de jeunes filles. Puis il termina son numéro et salua son public. Enfin, il aperçut le jeune homme et son expression changea légèrement. En un instant, il le rejoignit.

"Mon garçon! Je vois dans tes yeux que tu as besoin de mon aide. Viens donc t'asseoir avec moi."

C'était donc lui qui lui avait laissé l'étrange message ? Le Dragonnier obtempéra, tout en restant sur ces gardes, il trouvait qu'il y avait quelque chose d'étrange dans le comportement de l'homme. Il ne se gêna pas pour pousser le buveur endormi qui s'affala sur le sol. Seith grimaça devant cette "non-gêne", qui apparemment ne plut pas non plus à l'aubergiste. Il commanda ensuite deux boissons.

Le jeune homme regardait d'un air intrigué le bâton du mage, ce dernier finit par le remarquer.

"Bel objet, n'est-ce pas?"

Seith se contenta de hocher la tête, pressentant que son interlocuteur n'allait pas tarder à poursuivre.

"J'aime bien me promener avec de tels artifices, de quoi attiser l'envie de mes semblables, décourager les voleurs les plus faibles, et tenter les plus stupides. Mais ce n'est certainement pas pour entendre cela que tu es venu te perdre dans cette ville immonde... Seith?"

Comment connaissait-il son nom ? Le garçon en était sûr maintenant, c'était bien lui qui était à l'origine du mot dans sa poche.

"Ne sois pas surpris, j'ai de très bonnes oreilles. Et tu as la langue pendue, mon jeune ami... Je sais ce que tu cherches."

Seith se mordit la langue en question. A vouloir savoir d'où il venait, il en avait oublié la plus élémentaire des discrétions. Il ressentit la désapprobation de Stampe, malgré la distance qui les séparait. Il la méritait, donc il n'allait pas se plaindre. Pour masquer son trouble, il but lui aussi. Peut-être l'homme avait-il quand même des informations sur son père. Impatient de savoir, il reporta son attention sur l'étrange personnage, trépignant intérieurement, extérieurement calme. S'il apprenait quelque chose, la prise de risque aurait valut la chandelle, non ?

"Seulement voilà, je ne connais pas la réponse à ta question. Je connais bien une Margaret Weis, mais aucun homme de ce prénom. Par contre je sais comment obtenir cette information. Viens avec moi, faisons quelques pas dans la fraîcheur du soir."

Seith accusa le coup. Tout ça pour rien, encore une fois ? La fin de la prise de parole de l'homme n'anéantit pas l'étincelle d'espoir au contraire. Il y avait apparemment un moyen d'en savoir plus sur son père !

*Fais attention, Seith.*

Comme toujours, la voix de la raison se faisait entendre, par l'intervention de Stampe toujours près à ramener son petit Dragonnier à la réalité. Ils finirent leurs verres et sortirent. Il faisait déjà nuit. Si tôt ? Pourtant Seith n'avait pas l'impression d'être en ville depuis longtemps. Les ombres se mouvaient de façons distendues, et le jeune homme avait la désagréable impression d'être épié, même si son compagnon ne semblait pas être incommodé.

"Il existe un endroit, très loin d'ici, seulement connu des mages et des prêtres, des conteurs et des poètes. C'est un sanctuaire dans lequel personne n'a mis les pieds depuis des centaines d'années. Nul ne sait qui a crée ce repaire secret, mais on dit qu'il regorge de trésors dépassant ton imagination. Cependant, seul l'un d'eux nous intéresse. Il s'agit d'une lampe qui a le pouvoir de réaliser trois souhaits, n'importe lesquels. Avec cet objet, tu pourrais connaître tout ce que tu veux savoir sur ton père... Qu'en dis-tu?"

Seith se demanda s'il devait rire au nez de cet inconnu. Une lampe magique ? Il n'était plus un enfant pour croire à ce genre de choses. Mais il doutait. après tout, les Dragons étaient sensé avoir disparu ... et pourtant, il y avait Stampe.

Un endroit secret, où personne n'aurait mis les pieds depuis des siècles ? Et vous sauriez où il se trouve ? C'est un peu contradictoire. Et cette histoire de lampe... Me prenez vous pour un gamin crédule ? Pourquoi vous croirais-je d'abord ? Je ne connais même pas votre nom.

Mais il fallait l'avouer, il était intrigué et tenté. Mais il avait toujours à l'esprit l'avertissement de Stampe.

Si j'en savais plus sur vous, peut-être que ça m'aiderait à mieux prendre en considération votre proposition.

Il ne serra pas la main de l'homme, se contentant de le fixer d'un air résolu et un rien défiant. Qu'il lui prouve qu'il disait vrai.

La main de l'ensorceleur disparut dans son ample manche noire, et un éclat mystérieux dansa dans ses yeux tandis que son énigmatique sourire se réduisit. Il soupira doucement et recommença à marcher, plus rapidement, cette fois, comme si une main invisible le poussait en avant.

"Mon nom, mon passé... On m'a souvent posé des questions similaires, ces derniers temps. Au point de me faire douter... Pour la première fois depuis bien des lunes, je vais dire la vérité. Je suis Kentril, un magicien. Comme mes semblables, je recherche la connaissance et le pouvoir. C'est au cours de cette quête que j'ai découvert l'existence de nombreux secrets, dont celui qui nous concerne. Si tu foulais cette terre depuis aussi longtemps que moi, l'idée d'une lampe magique ne te semblerait pas plus saugrenue qu'un marionnettiste qui fait converser ses poupées sans remuer les lèvres. Dans ce monde, tout est une question de volonté."

Le sorcier se retourna vers le jeune homme, mais, l'air préoccupé, il paraissait regarder à travers lui une chose qui se trouvait dans son dos. Le malaise de Seith ne fit que grandir.

"Mais tu te feras à cette idée, j'en suis conscient. Ce qui te gêne, c'est plutôt le rôle que je vais jouer dans cette affaire. Pourquoi te ferais-je profiter d'un tel présent, alors qu'il me suffirait de me pencher et de ramasser la lampe? J'aurais cru que tu tiendrais assez à connaître tes origines pour ne pas t'intéresser à mes affaires. Peu importe, en vérité. Mes... inclinaisons... m'empêcheraient de saisir l'objet en question de mes mains."

Le comte laissa son bâton reposer contre son épaule, et déroula le bandage qui enserrait sa main gauche, et dévoila au dragonnier une paume inexistante, à travers laquelle on pouvait voir os et ligaments, eux aussi ravagés par la brûlure magique. Les tissus abîmés paraissaient continuer à subir une destruction progressive très lente. Le mage recouvrit à nouveau sa blessure.

"Le prix à payer pour mon arrogance. Un cœur rongé par le mal ne peut saisir la lampe sans causer sa perte, et d'ici quelques semaines, je serai intégralement détruit. Tu comprendras aisément, Seith, pourquoi j'ai à présent besoin de deux des trois vœux accordés par la lampe. Si tu le veux bien, je garderai mon autre vœu secret, en cela qu'il ne te regarde pas."

Kentril parut agacé, mais cessa de regarder derrière le jeune homme.

"Il y a bien évidemment de nombreux autres dangers destinés à protéger la lampe. Mais je t'en parlerai d'avantage une fois que tu nous auras tirés de ce guêpier. Les silhouettes qui circulent autour de nous depuis un moment... je pensais qu'il s'agissait de méprisables bandits, mais il semble plus probable que ces individus soient liés de quelque façon à notre quête. Malheureusement pour nous, je suis bien trop épuisé pour t'être d'une quelconque aide."

Après s'être adossé contre un mur, le sorcier frotta ses mains l'une contre l'autre pour les réchauffer, tandis que la menace qui l'entouraient lui et son compagnon se faisait de plus en plus pressante.

"Si tu survis, tu pourras toujours réfléchir à mon offre, Seith. Tu me trouveras quand tu commenceras à me chercher."

Tout en parlant, l'enchanteur se fondit progressivement dans le mur sur lequel il était appuyé, laissant le jeune homme affronter seul les ombres grandissantes des rues de Teirm.

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